La peur rend aveugle, dit la jeune fille aux lunettes teintées, Vous avez raison, nous étions déjà aveugles au moment où nous avons été frappés de cécité, la peur nous a aveuglés, la peur fera que nous continuerons à être aveugles. – José Saramago, L’aveuglement
Le 14 mars 2018, Marielle Franco a été assassinée en plein milieu du centre-ville de Rio de Janeiro. Élue conseillère municipale de Rio de Janeiro, femme, noire, lesbienne, militante pour les droits de l’homme et présidente de la commission sur les dérives policières dans les favelas de Rio, l’enquête sur son meurtre n’a toujours pas été résolue. Sa mort a déclenché une quantité incroyable de « fake news » parmi les plus farfelues, propagées par tous les medias de manière virale. Et cru par une grande partie de la population. En ce temps de désillusion, de perte de visibilité et aussi de sens, la photographie nous guide vers ce qui importe, et vient en aide à ceux qui n’ont pas l’espace pour se représenter.
La photographie est l’art de la vision. A l’instar de l’œil humain, qui forme des images à partir de la lumière et les transmet au cerveau par le moyen d’impulsions nerveuses, la camera fonctionne essentiellement de la même manière, c’est-à-dire comme une chambre noire qui saisit la lumière qui y entre en fonction de certains critères techniques afin de reconstituer une image. Parallèlement, comme la photographie, l’œil humain découpe sa vision personnelle du monde et propose sa propre version, subjective.
Entre similitudes et différences, le regard photographique peut aussi nous conduire à de nouvelles opportunités, manières de penser et de percevoir à la fois le monde et nous-mêmes. Mais nous devons pour cela bien observer. Il ne suffit pas de vouloir voir avec l’œil gauche ou l’œil droit, il faut avant tout bien ouvrir les deux yeux et regarder autour de soi.
Je pense que nous étions aveugles, des aveugles qui voient, des aveugles qui, voyant, ne voient pas. – José Saramago, L’aveuglement
Le philosophe français Gilles Deleuze considérait notre société comme la “civilisation du cliché”. D’une part, parce que l’excès d’images produites aujourd’hui provoque une banalisation de ce que nous voyons et, du coup, à force de ce trop-plein d’images, nous ne voyons plus rien du tout. Et d’autre part, parce que l’implication de la politique déforme le corpus des images diffusées. Dans ce cas, l’image cesse alors d’être « vision » pour devenir un instrument d’aveuglement. Mais l’art n’est pas aveuglement. Au contraire, la photographie est synonyme de liberté et de réconciliation. Il s’agit de surmonter les peurs et dénicher des opportunités. La photographie nous aide à enlever nos œillères, et à les saisir. C’est une manière de résister, de montrer les autres voies possibles, d’autres réalités, et ainsi d’ouvrir les paradigmes. L’art remue le couteau dans la plaie, elle questionne, elle fait mal, mais c’est ainsi qu’elle indique comment nous pouvons changer pour être meilleurs que nous le sommes aujourd’hui.
La photographie peut étaler un changement, peut clarifier, peut créer de l’empathie, résister et se battre.
2 Comentários
Dói tanto ver essas fotos, dói tanto lembrar disso…
Jamais esqueceremos.
Marielle SEMPRE presente!
#mariellepresente
tentando traduzir, entender, fazer um luto, meu luto e lutar. Esse post vem de uma conversa telefônica nossa!