Une élection, et les différents discours possibles

Battre en brèche les clichés brésiliens. C’est tout l’objectif de l’école de photographie documentaire humaniste de João Roberto Ripper. Ce photographe brésilien a eu une influence énorme sur la formation de nombreux artistes au sein de la communauté démunie de Maré, à Rio de Janeiro. Son regard avant-gardiste sur les favelas l’a amené à créer l’Ecole des Photographes Populaires (EFP) en 2004, pour les étudiants des écoles publiques et habitants des environs. Une première, dans ces quartiers assez pauvres, loin des belles plages, de la samba et du regard (inter)national. En outre, il a su faire émerger une vision de l’intérieur de la favela plus ouverte sur l’extérieur. L’EFP a formé toute une génération de photographes en leur donnant une voix au-delà de leurs communautés. Il a rendu possible un discours différent qui est habituellement véhiculé par les médias de masse.

 

Parallèlement, en ce mois d’octobre 2018, on vote pour élire le nouveau Président du Brésil. À cette occasion, au milieu des discours politiques, les voix des minorités sont très peu entendues. Mon ancienne collègue Ana Mendes, collaboratrice du photographe JR Ripper pendant longtemps, travaille sur les Indiens Guarani Kaiowá de la région du Mato Grosso do Sul, un état du Brésil. Une autre communauté contrainte au silence. Ana a ouvert  l’exposition « Je maintiens ce que j’ai dit »  au Centre de Photographie de Montevideo cette année, avec l’uruguayen Pablo Albarenga. Elle documente ainsi depuis trois ans les conflits qui existent dans la région, notamment en participant à plusieurs documentaires tels que « Le massacre de Caarapó », « Pieds de Anta », « Munduruku » et « C’était venimeux » sur la dispersion criminelle des pesticides par les agriculteurs sur les terres indigènes.

 

Ana Mendes

 

« Je maintiens ce que j’ai dit » est une série humaniste qui dénonce l’objet photographié avec empathie. Les peuples autochtones ne sont pas simplement des thèmes controversés utilisés pour créer une frénésie médiatique. Ici, les photographes s’approchent de leurs sujets, qu’ils considèrent comme des pairs, les regardent attentivement et avec attention. Sans pour autant échouer à faire un (très bon) documentaire photographique d’accusation sociale, sur les pas du maître João Roberto Ripper qui a toujours été actif dans ce domaine.  Ripper avait dépeint la diversité de la réalité brésilienne en photographiant les minorités silencieuses, tels que les « quilombolas », des pêcheurs, des indigènes … Avec Ana Mendes, il a aussi travaillé dans la campagne de la région de Minas et du Maranhão à l’occasion d’un projet de portraits des peuples traditionnels de la rive droite de la rivière São Francisco.

 

La fin du monde pour les peuples Indiens a commencé en 1500. – Eduardo Viveiro de Castro

 

Ana Mendes, Caarapó, Mato Grosso do Sul.

 

Ana Mendes

 

L”exposition compare l’imageet la parole. En d’autres termes, elle montre des images du conflit et du quotidien vécu par les indiens, confrontés aux critiques des politiciens brésiliens dans les médias. Un affrontement brutal, entre ceux qui n’ont rien, aucune voix ni pouvoir, et ceux qui ont tout. Les deux photographes dénoncent le racisme, les préjugés, la moquerie et la discrimination dont les autochtones souffrent. Ils montrent aussi comment les médias indépendants sont un espace essentiel pour le dialogue et la mise en avant des idées et des politiques, avec toujours plus de respect et d’égalité. Chaque phrase écrite résonne comme un miroir de notre société et de cette élection.

 

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